Le grand bitonio ou gigantesque concombre masqué vernissé d’allure verdâtre signé Jeff Koons, double de celui, bleuté et scintillant, qu’on peut contempler à l’entrée du Casino de la Potsdamer Platz de Berlin, près du palais du festival du film, accueille dans la cour pavée du château de Versailles les milliers de visiteurs qui se rendent chaque jour dans le domaine royal, sans trop savoir, c’est probable qui les attend plus haut, aussi bien dans les Grands appartements que dans la sacro-sainte Galerie des glaces, à peine restaurée.
Cette exposition, car exposition il y a, et pas du tout sauvage, bel et bien organisée, planifiée, préméditée, ayant même obtenu, paraît-il, l’aval et le soutien du Conseil général des Yvelines, a choqué les Versaillais les plus traditionalistes (une manifestation d'opposants devant les grilles du château aurait même rassemblé une centaine de personnes, d’après l’AFP) et les touristes les plus indulgents. «Pas ça ici», regrettent-ils tous d’une même vox populi, les indigènes comme les touristes qu’on a eu l’occasion d’entendre. Mais où et pourquoi donc vouloir montrer ça ailleurs qu’ici ? Versailles étant too much, un peu plus, un peu moins… on n’est pas à ça près, c’est du moins ce qu’ont dû se dire les grosses têtes qui ont organisé «la chose».
Tout de même, oser exhiber ces horreurs, qui plus est, dans le saint des saints ! Les marchands du temple, par les temps qui courent, n’ont plus froid aux yeux. Pourquoi pas Walt Disney, McDonald, Coca Cola, tant qu’on y est ? Car on y est, incontestablement. C’est le genre de réactions qu’on a pu entendre sur place…
Flash-back. On a commencé par privatiser tout ce qui pouvait l’être. Le service comme l’espace public. On a, à titre d’exemple, concédé le meilleur emplacement de Beaubourg, le cinquième étage, vue en Panam’vision comprise, à des limonadiers pur jus. Et, par la même occasion, on a ainsi privatisé, ni vu ni connu, les ascenseurs extérieurs qui donnent accès au cinquième ciel du Centre pompidolien. Ni les salariés du Centre ni le vulgum pecus comme vous et moi ne peuvent désormais accéder à cet étage sans se farcir le jeu de l’oie ou la course d’obstacles bien connue de tout un chacun…
Maintenant, prenons un autre symbole de la France : le château de Louis XIV, par exemple. L’idée est qu’il serve d’écrin au showcase d’un trader qui n’a rien inventé mais qui récolte ce que d’autres ont semé. Koons. Jeff Koons… Comme si cet encanaillement, cette provocation, cet épate petit-bourgeois avait à voir avec le choc esthétique ou un quelconque débat culturel.
Qui veut encore la peau de Roger Rabbit ? Qui s’intéresse de nos jours à Michael Jackson ? Où est vraiment la problématique ? S’agit-il d’une confrontation entre l'ancien et le moderne ? Si oui, qui est le plus moderne : Koons ou Rigaud ?
Plastiquement, si l’on peut dire, les baudruches et les figurines en porcelaine de Jeff Koons sont délibérément, cyniquement, volontairement moches. À côté, le kitsch de Pierre et Gilles paraît fin et même spirituel. On est ici dans le domaine du forain, du guignol, de ces gonflants de plage qui ont remplacé les toboggans d’enfants d’antan, qui vous saccagent le paysage et vous gâchent les promenades au bord de mer, voire vos vacances (ceux de Trouville, par exemple), des nains de jardin, etc. On est dans l’éco-esthétique ou dans le marketing. En cela, Jeff Koons est un expert, donc un artiste. Appliquant méthodiquement les formules retenues du Pop Art (celle de Claes Oldenburg en particulier), il fabrique des monuments qui sont à la sculpture ce que les blockbusters sont au septième art.
Fonte : Site Paris Art - Par Nicolas Villodre
Sandra Macedo
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